Je ne sais pas ce qui a pris saint Paul de se lancer, dans la lettre aux Éphésiens qui est lue ce dimanche, dans une transposition directe entre deux relations qui sont de nature radicalement différente. C’est loin d’avoir été sa meilleure inspiration.
Bien sûr, on a le droit chaque année à la petite pirouette pour contourner la difficulté : « Bon, d’accord, les femmes qui doivent être soumises à leur mari c’est un peu raide, mais attention à la suite : les hommes doivent donner leur vie pour leur femme, hein, qu’est-ce que vous en dites ? ». Sauf que, quitte à écouter la suite du texte, continuons encore : ce n’est quand même pas terrible quand Paul explique que si le mari aime sa femme, c’est parce qu’il s’aime lui-même (« Celui qui aime sa femme s’aime soi-même »).
L’autre explication, plus fondamentale, c’est que saint Paul nous parle surtout du Christ et de l’Église. Il le formule même explicitement à la fin du texte : « Je le dis en référence au Christ et à l’Église ». Certes, mais il aurait alors mieux fait de s’en tenir là, plutôt que d’en déduire des prescriptions pour les époux, qui brouillent un peu la compréhension du texte. Car l’injonction du texte, ce n’est pas : « Chrétiens (hommes et femmes), soyez soumis au Christ. » Ça commençait bien pourtant : soyez soumis les uns aux autres. Mais ensuite, la soumission n’est expressément formulée que pour les femmes, les hommes devant aimer leur femme. La dissymétrie est trop forte pour être négligée.
Bref, il me semble difficile de nier que dans sa volonté d’illustrer le mystère du Christ et de l’Église, saint Paul s’est laissé entraîner par un vieux fond d’essentialisme, pour ne pas dire de machisme. Machisme qui n’était peut-être pas plus le sien propre que celui de son époque et de sa culture, mais qui tranche avec l’attitude du Christ envers les femmes. Car en effet, de façon générale, l’attitude de Jésus envers les femmes, comme envers les enfants, contraste fortement avec celle de ses propres disciples. C’était déjà vrai du temps où Jésus était parmi eux. Il est probable que cela ne soit pas arrangé ensuite.
Au-delà du choix rhétorique assez déroutant, c’est le principe même de la comparaison, posée de façon aussi directe, qui m’étonne le plus. Comment imaginer plaquer de la sorte, si directement, une réalité mystique sur tant de situations humaines concrètes ? Cette année encore, entendant ce texte, j’ai souri en pensant à quelques couples où, de façon notoire, c’est la femme qui « porte la culotte » et le mari qui suit bravement. Et qui n’en sont pas moins des couples heureux, témoins de la grâce du mariage.
D’ailleurs, il faut que je vous laisse. Ma femme me rappelle à l’ordre.
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