C’est en ce moment la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Cette manifestation se déroule chaque année, du 18 janvier (date où l’on fêtait autrefois la chaire de saint Pierre à Rome) au 25 janvier (fête de la conversion de saint Paul). Sa création remonte à 1908 et elle fut développée dans les années 1930 sous l’impulsion du prêtre lyonnais Paul Couturier, qui fut en son temps l’un des grands acteurs du mouvement œcuménique.
Enfant, cette semaine était un événement important dans ma paroisse. Il y avait chaque année une proposition spécifique (rencontre, conférence veillée de prière…), à laquelle nous participions avec mes parents. J’ai le souvenir en particulier d’une soirée où un pasteur protestant étant venu faire une conférence. C’était la première fois que j’entendais parler un pasteur et que je voyais sa tenue, qui me semblait bien étrange (tout en me rendant bien compte qu’au fond, elle n’avait rien de plus bizarre que la chasuble ou l’étole de notre curé, c’est juste que je n’y étais pas habitué).
Il faut dire qu’à l’époque, les protestants, c’était encore un monde à part, très loin. Bon, ça faisait longtemps qu’on avait arrêté de s’entretuer, quand même, mais on ne se connaissait pas bien et les relations pouvaient encore être assez froides. Et c’était réciproque.
Ainsi, lorsque j’avais assisté à la cérémonie de confirmation d’un voisin protestant, qui avait lieu dans un centre œcuménique du diocèse où étaient aussi célébrés des offices catholiques, je me souviens encore avoir entendu une participante, âgée, s’écrier : « oh, ça, alors, quand le grand-père apprendra qu’on a fait ça dans une salle où il y a eu des messes catholiques, il en sera malade ! » Inversement, je repense à quelques conversations au cours de repas de famille, où les adultes baissaient la voix pour évoquer ces protestants, dont on prononçait à peine le nom, suggérant plutôt par quelques allusions la connivence supposée entre membres de la « HSP ».
Quant aux orthodoxes, on n’en parlait même pas. Ça ne devait exister que de l’autre côté du rideau de fer, et les contacts avec eux se limitaient aux icônes et aux disques de chants russes.
Tout ça me paraît bien loin, maintenant. Depuis, j’ai rencontré et appris à connaître des amis protestants et orthodoxes. J’ai découvert aussi les églises catholiques orientales et compris que le monde n’était pas divisé de manière aussi simpliste, et en particulier que le catholicisme lui-même n’était pas aussi uniforme qu’on avait pu nous le présenter.
Peu à peu, je comprends mieux comment notre foi au Christ, fils de Dieu, mort et ressuscité pour le salut du monde, peut être commune alors que nos confessions restent différentes (même si je déteste toujours l’expression « ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise », employée trop souvent pour feindre une unité de façade en faisant passer ces différences pour insignifiantes – et c’est encore plus le cas pour le dialogue interreligieux).
Mais c’est en ce moment la semaine de prière pour l’unité des chrétiens et je me rends compte que si je n’avais pas vu l’information sur internet, je serais tout simplement passé à côté. Nulle trace de cette semaine dans ma paroisse actuelle. J’ai pourtant bien écouté les annonces dimanche dernier, j’ai bien relu le bulletin paroissial, et… rien du tout.
Je suppose tout de même qu’il y aura l’indication discrète sur la feuille de messe ce dimanche, une intention de prière universelle et une mention par le célébrant ou dans le l’éditorial du bulletin dominical. Bref, ce qu’on peut appeler le minimum syndical, mais rien de plus. Pas de proposition spécifique, pas de rencontre, de soirée.
Cette indifférence me désole un peu. J’entends bien que les relations entre catholiques et protestants, notamment, ne sont plus ce qu’elles ont été et qu’il n’y a plus lieu de se « découvrir » pour faire tomber des murs de méconnaissance comme autrefois.
Pour autant, je ne crois pas que le défi de l’unité de l’Église soit un sujet réglé, plié, qu’on puisse gentiment mettre de côté. Ni que ce soit une vieille lune du siècle dernier que nous pourrions négliger au profit de sujet plus sérieux. La géopolitique se charge d’ailleurs de rappeler la sensibilité des relations religieuses à notre bon souvenir, l’agression russe en Ukraine ayant des répercussions très concrètes sur les relations entre catholiques et orthodoxes, par exemple.
Les paroles de Jean-Paul II dans l’encyclique Ut Unum Sint restent d’actualité : « le Christ demande aujourd’hui qu’un élan nouveau ravive l’engagement de chacun à aller vers la communion pleine et visible. »
Ce qui me rassure, cependant, c’est qu’il y a encore, cette année, plusieurs paroisses du diocèse qui font des propositions pour cette semaine (et je prévois d’ailleurs d’aller à l’une d’elles). Les médias catholiques honorent aussi cette semaine avec de nombreux reportages ou émissions1voir par exemple KTO, RCF, La Croix, La Vie ou Réforme., et c’est heureux car l’initiative le mérite. Cette année en particulier, où le thème a été préparé par une équipe œcuménique du Burkina Faso, un pays où les chrétiens sont minoritaires et subissent régulièrement des attaques armées. Que des chrétiens qui vivent dans cette tension nous invitent à ne pas négliger l’engagement œcuménique ne devrait pas nous laisser indifférents.
Je termine en reprenant la prière pour l’unité des chrétiens de l’Abbé Paul Couturier.
Seigneur Jésus,
toi qui, à la veille de mourir pour nous,
as prié pour que tes disciples soient parfaitement un,
comme toi en ton Père et ton Père en toi,
fais-nous ressentir l’infidélité de notre désunion.
Donne-nous la loyauté de reconnaître et le courage de rejeter
ce qui se cache en nous d’indifférence, de méfiance et même d’hostilité muette.
Accorde-nous de nous rencontrer tous en toi,
afin que, de nos âmes et de nos lèvres,
monte incessamment ta prière pour l’unité de tous,
telle que tu la veux, par les moyens que tu veux.
En toi qui es la charité parfaite,
fais-nous trouver la voie qui conduit à l’unité,
dans l’obéissance à ton amour et à ta vérité.
Amen
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